Journée mondiale de lutte contre le SIDA 2014: la jeunesse volontairement mise en danger!




   Bonjour les Êtres humains ! La semaine qui vient de s’achever a été marquée par un événement qui m’a particulièrement interpellé, parce qu’étant lié à une partie de ma vie. Il s’agissait de la journée mondiale de lutte contre le Sida.



   Bon, juste une petite parenthèse en passant : j’aimerais bien savoir qui, assis dans son bureau, signe le papier qui officialise une Journée Mondiale, parce que, en y regardant de plus près, j’ai l’impression qu’il y en a pour tout un tas de choses. Et il y en a tellement qu’on finit par se demander si les 365 jours de l’an sont suffisants pour les célébrer! En tout cas, il faudrait que l’on me dise comment et pourquoi, en réalité, on instaure ces journées, d’autant plus qu’en général, à part les gens qui se sentent concernés de près, qui sont vraiment impliqués par le thème retenu, peu s’y intéressent. D'ailleurs, autour de moi, je constate que la majeure partie des gens les ignorent totalement !

   Ceci dit, revenons à cette fameuse journée de lutte contre le virus du siècle, que dis-je ! Du millénaire ! Ici à Dakar, et j’imagine que près de chez vous aussi, elle n’est pas passée inaperçue. Dans toute la capitale sénégalaise, qui se réveillait encore aux rythmes d’une gueule de bois francophone (le XVème sommet de la Francophonie ayant pris fin la veille), les dispositions liées à la journée officielle avaient déjà été prise : programmes d’informations et de sensibilisation audiovisuels, radiophoniques et dans la presse écrite, un large éventail de manifestations organisés dans toute la ville, dans les hôpitaux (par exemple, l’inauguration du centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar, au centre hospitalier universitaire de Fann, par Mme le ministre de la santé), dans les centres de conférences, avec notamment une rencontre de tous les acteurs étatiques, non-gouvernementaux et internationaux à l’hôtel King Fahd Palace, sous le thème : « élimination de la transmission mère-enfant (éTME) : état des lieux et perspectives post 2015 », ou encore une journée de sensibilisation sur le Sida au Lycée Jean Mermoz, pour ne citer que ceux-là. Pour ma part, j’étais tellement pris par d’autres obligations que je n’ai franchement pas eu le temps de participer, ou du moins, d’assister à un seul de ces événements. Qu’à cela ne tienne, le sujet ne m’a pas laissé indifférent.
   En rentrant chez moi le soir, et en regardant les résumés de toutes ces manifestations au journal de 20H, je me suis dit qu’il fallait au moins que je me documente un peu sur ce fléau qui, quelques fois, me sort complètement de l’esprit. Et là, je me suis rendu compte d’une chose : moi qui suis né au début des années 80, j’ai presque totalement vécu toute l’évolution de cette épidémie, depuis sa première détection au USA, dans la communauté homosexuelle, en 1981 (bon, c’est vrai que je n’étais pas encore né), en passant par l’identification du virus (VIH), l’année de ma naissance, jusqu’à maintenant . On peut dire que, je fais parti d’une sorte de « Génération Sida » !

  La première question qui m’est venue à l’esprit est toute simple : comment ce virus, que l’on découvre dans les villes de New York et Los Angeles, en 1981, devient-il la cause d’une si vaste épidémie, moins de cinq ans plus tard, en Afrique noire ? Il faudra qu’on nous apporte une réponse claire à cette interrogation.

   En tout cas, je me souviens encore de mes premiers contacts avec la maladie : cela devait être dans es années 90-92. C’était un de mes voisins, le père d’une amie, qui était tombé gravement malade, quelques temps après son épouse. Cette dernière était devenue complètement méconnaissable, et l’on nous disait, à nous qui étions encore à l’école primaire, qu’elle souffrait de la tuberculose. Ce n’est que quelques années plus tard que nous saurons qu’ils sont tous les deux décédés du Sida. Je me souviens encore de la psychose qui s’était alors emparée de nos parents. Je me souviens surtout qu’à cette époque, cette maladie était qualifiée de honteuse du fait qu’elle se transmet principalement par voie sexuelle.  
   Ce qui me reviens le plus à l’esprit, c’est l’image des quelques membres de ma famille qui l’ont contracté. Ces flashs m’arrachent toujours une larme aujourd’hui, bien que certains soient bien portants en ce moment. Ce qui me fait tout de même plaisir, c’est le fait de voir mes tantes, à l’heure actuelle, aussi physiologiquement bien constituées que vous et moi. Je finis par me dire que les mesures prises par les gouvernements, avec le concours des Nations Unies, pour ralentir l’avancée de cette épidémie, ont tout de même été efficaces, même si les chiffres actuels (que vous pourrez consulter sur le site de l’ONUSIDA : http://www.unaids.org/fr) montrent qu’il reste encore beaucoup à faire.

   Il faut, tout d’abord, souligner que le Gabon, à l’instar de la majeure partie des pays membres de l’ONU, s’est pleinement engagé dans la riposte à l’épidémie de VIH/Sida, en adoptant un grand nombre de mesures et d’initiatives en vue de la réalisation du sixième objectif du millénaire pour le développement qui est de stopper et commencer à renverser l’épidémie d’ici à 2015. Les campagnes de sensibilisations sur les modes de transmission du virus, les moyens de s’en protéger et les attitudes à adopter, tant par l’Etat, les personnes infectées que par leur entourage et tous les citoyens, ne manquent pas. La gratuité du traitement ARV (antirétroviral) et du dépistage, la gratuité de la prise en charge des femmes enceintes séropositives, la prise en charge des bilans biologiques et l’augmentation généralisée des ressources allouées          à la lutte contre le VIH/Sida prouvent à suffisance que la volonté est ce qui manque le moins. Mais qu’en est-il de l’adaptation des mentalités, tant des malades que des bien portants, face à ce fléau ?
   Rappelons aussi que, le Gabon, c’est un taux de prévalence du VIH de 4,1% en 2012, avec 5,8% de séroprévalence chez les femmes, contre 2,2% pour les hommes. Ces données, issues du Rapport National du Ministère de la santé sur la réponse au VIH/Sida en 2013 (également disponible sur le site de l’ONUSIDA, sur la page consacrée au Gabon) nous apprennent aussi que, sur les dix zones étudiées (les neuf provinces du pays, plus les villes de Libreville et Port-Gentil, rassemblées en une zone distincte), il n’y a que quatre dans lesquelles le taux de prévalence est inférieur à la moyenne nationale, traduisant ainsi une épidémie de type généralisée sur l’ensemble du territoire national.  

   En écrivant ce billet, j’étais un peu distrait par une conversation que je tenais avec mon oncle, fraîchement débarqué à Dakar pour un stage, et qui travaille pour le ministère de la santé du Gabon, dans le domaine de la santé public. Cette digression m’a tout de même permis d’apprendre une chose épouvantable, que je ne peux vraiment pas passer sous silence : il existe encore, dans mon pays d’origine, en 2014 et malgré toutes les avancées qui ont été faite dans cette lutte, des gens qui se permettent de propager volontairement le virus, qui plus est, à des enfants. Mon oncle me relate ainsi le comportement d’un de ses supérieurs hiérarchiques. Il m’explique que la secrétaire de cet homme n’a cessé, depuis des mois, de lui faire part du défilé de fillettes en uniformes des lycées et collèges de la ville d’Oyem (province du Woleu-Ntem, dans le nord du pays) dans le bureau de son patron. Les adolescentes, qui doivent, pour la plupart, être entre la classe de sixième et celle de quatrième, étaient soupçonnées de coucher avec le quidam, pour quelques billets de banque. Un jour, la secrétaire, exaspérée par les agissements de son patron et l’indifférence de mon oncle, vint le voir et lui avoua que le monsieur est atteint du VIH. Mon oncle fut bien évidement choqué de cette nouvelle qu’il alla partager avec son épouse. Cette dernière lui fit comprendre que dans le service dans lequel elle travaille, il y a des hommes, dont l’état sérologique est connu de tous, qui ne cachent pas qu’ils ont un fort penchant pour les adolescentes incrédules. Quelques discussions avec d’autres habitants de la capitale provinciale de la province lui apprendront que ces hommes se sont regroupés en une sorte de réseau, embarquant les jeunes filles pour des weekends, de l’autre côté de la frontière, dans les villes les plus proches du Cameroun voisin. Là-bas, après avoir terminé leurs besognes avec les fillettes, ils racontent eux-mêmes qu’ils leurs refilent vingt ou trente milles francs Cfa (un peu moins de cinquante euros) pour quelles fassent quelques emplettes, avant de les ramener à Oyem. Mon oncle m’assure d’ailleurs que son collaborateur, ayant transmis le VIH à une jeune femme, étudiante à l’UOB (Université Omar Bongo, située à Libreville), dont les parents ont appris l’état de santé, a été contraint de l’épouser. Elle vit dans la capitale du pays, ce qui lui permet de continuer ses agissements en toute tranquillité.

   Quand on connait les difficultés que rencontrent les jeunes dans les provinces, surtout dans celle du Woleu-Ntem, dont je suis originaire, on ne s’étonne pas que des enfants, toutes naïves, soient prêtes à se donner à un homme, pour peu qu’il leur offre de l’argent. On ne s’étonne pas, non plus, que le taux de prévalence dans cette région du pays soit de 7,2%, bien au-dessus de la moyenne nationale. Surtout que, dans un pays où le pourcentage des jeunes de 15 à 24 ans qui ont eu un rapport sexuel avant l’âge de 15 ans est de 21,9% (en 2012), celui des personnes de 15 à 49 ans ayant eu un rapport sexuel avec plus d’un partenaire au cours des douze deniers mois étant de 17,2%, il est très courant que ces jeunes filles, non contentes de coucher avec des hommes plus âgés pour de l’argent, aient un petit-ami au lycée ou dans leur  quartier.

   Ce qui est le plus triste, c’est que, dans ce réseau, on retrouve, non seulement, de hauts responsables de la santé public, qui devraient, en principe, montrer l’exemple pour ce qui est de la lutte contre l’expansion de l’épidémie du VIH/Sida, mais on y retrouve aussi de hauts fonctionnaires de la République, qui jouissent d’une totale impunité. Il n’est donc pas question pour les victimes de les attaquer en justice, au risque faire l’objet, physiquement ou socialement, de leur courroux ; si toutefois, la législation en vigueur permet de sanctionner ce genre de faits déplorables. 

   Alors, moi, Engo, je me pose la question : si ce sont ceux qui doivent protéger les enfants de mon pays contre cette terrible maladie qu’est le Sida, qui décident, par perversion perfide, de les contaminer, qui les défendra ? Qui donc ?      

   Une chose est sûre, pour l’atteinte du sixième objectif du millénaire pour le développement au Gabon, pour 2015, c’est raté !




Commentaires

Enregistrer un commentaire

Les plus lus

Pantalon "taille-basse", pour qui et pourquoi?

Un quartier sous les déchets

Musique et nuisances sonores, tapages nocturnes et autres désagréments

Temps pluvieux et orageux à Dakar

Fêtes des cultures de Libreville : un œil sur les Arts plastiques