Les choses de la Francophonie!
Engo avec les choses de
l'Afrique !
Bonjour les Êtres
humains. Vous le savez peut-être, ou pas, ces derniers jours ont été
marqué par les festivités du XVème sommet de la Francophonie
qui s'est tenu ce week-end (les 29 et 30 Novembre 2014), ici à
Dakar. Il n'est point nécessaire ici d'écrire quoi que soit sur
cette remarquable institution. Tout a déjà assez dit et redit sur
le sujet, et les informations à son propos ne maquent pas, loin de
là !
Le fait est juste que
j'en ai eu un peu ras la calebasse, moi, de la Francophonie ! Ce
n'est pas que je sois contre cette respectable organisation qui prône
le partage de la langue dans laquelle j'ai tout appris et par
laquelle j'ai l'immense chance de pouvoir m'exprimer et être entendu
et peut-être compris, quelque part dans le monde. C'est l’événement
du XVème sommet de la Francophonie et et tout le cérémonial qui
l'entoure qui me turlupinent, quoi !
Déjà, côté
communication, ils n'y sont pas allé par le dos de la cuillère, les
organisateurs ! Et de géants panneaux annonciateurs, des mois
avant la date prévue ! Et les décorations urbaines les plus
bluffantes six jours avant ! Je ne parle même pas des moyens
matériels mobilisés : une couverture audiovisuelle dignes des
présidentielles américaines, des mesures de sécurité plus
qu'exceptionnelles déployées pour l'occasion ! Pour le reste,
on peut dire que le Sénégal a encore su faire montre de son
légendaire sens de l'hospitalité !
Bon, en même temps,
les journaux télévisés qui radotent les mêmes infos depuis cinq
jours, ça commence à ennuyer... Jusqu'ici, je suis les programmes
dédiés un peu de loin, comme si je regardais la Coupe du monde de
football ou les Jeux Olympiques : c'est juste une grande
rencontre mondiale qui n'affecte pas directement mon existence
présente. Ma première vraie confrontation directe avec l'impact de
ce grand sommet sur la vie de mes concitoyens, les Dakarois, qui
s'est produite ce vendredi 28 Novembre 2014, m'a donné un plan
différent pour appréhender cette grande fête et son influence, non
seulement sur moi, mais aussi sur les populations du pays qui
l’accueille cette année.
La date du 28 Novembre
est d'abord pour moi, celle à laquelle devait arriver sur Dakar un
de mes jeunes oncles qui vient pour un stage. En ce jour de veille
d'ouverture officielle du quinzième sommet de la Francophonie,
depuis le matin, il est bien difficile de passez dix minutes sans
entendre, voir ou lire quelque chose en rapport avec le grand
événement à venir. La ville entière, du moins, ses grands
édifices et grandes places, ainsi que les lieux majeurs de la
culture, accueillent diverses animations, conférences, spectacles de
musique, et tant d'autres choses encore. Au niveau du tout nouveau
Grand Théâtre, un village de la Francophonie a même été
érigé ! Et ce n'est que la partie visible de l'Iceberg, quand
on pense que tout le flambant neuf Centre International des
Conférences de Diamniadio (CICD) a été pour la première fois mis à
contribution pour cet événement.
Alors, Engo, quel est
ton problème avec ce sommet ? En quoi il te dérange ? Et
bien, moi, toute au long de cette fameuse journée du 28 novembre, je
me suis demandé : qu'en pense réellement le Sénégalais
lambda ? Le récit de cette journée vous fera peut-être
entrevoir la réponse que j'en ai tiré...
Déjà, la journée
commence très tôt pour moi : levé à cinq heures et demie,
vers six heures, mon ventre commence à réclamer sa part (je sais,
c'est un peu tôt, mais ventre affamé n'a point d'heure!). Je décide
de me rendre à la boulangerie la plus proche, qui appartient à une
grande chaîne souvent plébiscitée par ses clients, la classant
parmi les plus accueillantes et où le respect du client est une
règle d'or. J'arrive devant une vendeuse :
_ Bonjour Madame, je
voudrais une baguette s'il vous plaît.
_ Un instant, Monsieur,
mon collègue va venir vous servir.
Elle s'en va et un
jeune homme chauve se pointe devant moi. Il commence à s'exprimer en
Wolof. Bon, je comprends quand même un peu l'idiome, mais je ne suis
pas un bon pratiquant. Et d'ailleurs, j'ai faim, il fait froid, ce
n'est vraiment pas le bon moment pour les révisions linguistiques.
« Bonjour Monsieur, je voudrais une baguette » Je tends
en même temps le billet de mille francs cfa que j'ai. Le type me
regarde d'un drôle d'air, puis me répond d'un ton un peu nerveux,
toujours en Wolof. « Monsieur, je ne comprends pas ce que vous
dites. Moi je voudrais juste une baguette ». Là, il s'énerve
et me lance sur un ton méprisant un « Y a pas de
monnaie ! ». Bon, sur le coup, je me dis : soit il a
mal dormi, soit il a du mal avec le français. Dans le premier cas,
ce n'est pas la peine de venir au boulot pourrir la journée de tes
clients si tu es de mauvaise humeur. Le second cas ne me semble pas
envisageable, compte tenu du grand nombre d'occidentaux, de
''Toubabs'' comme on dit ici, qui viennent tous les jours faire leurs
courses dans cette boulangerie. Là, déjà, j'ai envie de lui
demander à lui, vivant dans un pays francophone, pays qui fut,
rappelons-le, la plus ancienne colonie française d'Afrique, et qui,
de surcroît, reçoit un événement comme le sommet de la
Francophonie, s'il ne se sent pas un peu bête d'être agaçant et de
se montrer discourtois envers certains de ces clients parce que
ceux-ci préfèrent s'exprimer en Français plutôt qu'en Wolof. Bon,
il n'est que six heures, me dis-je. Il y en a qui ont le réveil
difficile... je préfère m'en aller. J'irai à la boutique du coin,
où je sais que je suis contraint de supporter le wolof, les
boutiquiers étant très souvent mal à l'aise avec la langue de
Molière.
Depuis le levé du
jour, je surveille l'heure à laquelle le vol de mon parent doit
débarquer : 14h00. Entre temps, j'ai eu le temps de suivre
quelques nouvelles à la télévision, en compagnie de ma voisine
Bintou. Bien évidemment, le sujet principal tourne autour du sommet.
On nous retransmet en direct, sur la chaîne nationale, les activités
au CICD ou à d'autres endroits, où, curieusement, on ne voit que
très peu d'Africains ! Les arrivées des chefs d’États et de
gouvernements, ou quelques reportages historiques sur les grands
hommes du Sénégal qui ont marqué d'une solide empreinte
l'évolution de la grande institution, défilent sur le petit écran :
revue des faits et paroles du poète-président : Léopold Sédar
Senghor, énoncé de toutes les avancées engagées dans le
fonctionnement de la gigantesque organisation par l'autre ancien
grand président du pays de la Téranga, Abdou Diouf.
_ Au fait, Bintou, que
penses-tu du président Diouf ?
_ Lui ? Il a
beaucoup travaillé pour la Francophonie, et tout le monde sait que
c'est quelqu'un de très rigoureux, mais, franchement, en près de
vingt ans au pouvoir, il n'a pas fait grand-chose pour le pays !
Bon, ceci peut être
son avis à elle, qui ne reflète pas forcément celui de la majorité
des Sénégalais. En tous cas, ce n'est pas celui des journalistes
qui n'ont pas fini d'encenser l'homme.
Il est bientôt
quatorze heure. Il serait temps que j'aille attendre mon oncle à
l'aéroport. Je me réjouis déjà à l'idée du spectacle de grande
ferveur auquel je vais assister dans les rues de la ville. Bien
grande sera ma déception de voir que la majorité de mes concitoyens
ont l'air bien plus préoccupés par leurs soucis quotidiens que par
la grande cérémonie qui se déroule dans leurs murs : dans les
rues, à part les panneaux géants et les drapeaux qui flottent un
peu partout, rien ne semble faire croire que c'est dans cette ville
qu'a lieu ce grand sommet. Dans le taxi qui me conduis à l'aéroport,
je veux bien participer à la fête à ma façon : je m'amuse à
deviner les pays auxquels appartiennent les étendards que nous
dépassons. Le taximan, un peu agacé, me jette des coups d’œil
étranges! Il doit sûrement me prendre pour un de ces touristes à
l'humeur bonne enfant. À la radio, les débats vont bon train sur le
Sénégal dans la Francophonie : tel intervenant se demande si
ce grand événement n'est pas une sorte de pied de nez que fait le
président Macky Sall à son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, en
organisant ce qui semble, pour lui, être des noces en l'honneur de
celui qui fut longtemps leur adversaire commun. Tel autre déclare
que, de toutes les façons, la Francophonie n'est qu'un autre visage
de la Françafrique, et que les Africains gagneraient plus à s'en
détacher, et promouvoir la montée des langues locales au rang de
langue nationale et professionnelle, plutôt que de continuer à se
laisser dicter les modes et moyens de gestion de leurs États par
l'ancien colon, et en Français en plus ! Quant au chauffeur du
taxi, il ne cesse de rappeler les personnes avec lesquelles il a
rendez-vous, sûrement juste après ma course, pour leur demander de
patienter un peu. Pour lui, le sommet de la Francophonie n'est juste
qu'une raison de plus d'encombrer le trafic terrestre déjà saturé
de la ville. C'est vrai qu'on a dû passer une bonne quarantaine de
minutes à « limacer », jusqu'à l'aéroport.
L'ambiance qu'on y
trouve, à première vue, pourrait dissiper mes doutes sur
l'implication de la population sénégalaise à l'événement :
aux alentours de l'aéroport de Dakar, qui a fait peau neuve, avec un
cordon de sécurité inviolable, des foules massées par endroits,
tambours battants et bannières aux vents, scandent, accompagnées
d'une grande fanfare, des chansons qui, néanmoins, ne semblent pas
faire partie du folklore local. Bon, je ne me rapproche pas trop
d'elles, en tout cas, pas tout de suite. Je cherche d'abord à savoir
si le vol de mon oncle n'est pas arrivé et s'il n'est pas en train
de me maudire de ne pas être venu le chercher à l'heure, égaré
quelque part dans les environs. Heureusement, ou malheureusement, il
n'est pas encore là. Aux abords de l'aéroport, la foule est aussi
dense que bigarrée. On trouve de toutes les communautés :
Maliens, Burkinabés, Béninois, Togolais, congolais, et aussi mes
compatriotes Gabonais. Tous semblent n'être là que pour une seule
chose : voir et acclamer le président ou le chef de
gouvernement de leur pays à sa descente d'avion. D'ailleurs, celle
du président Gabonais ne passera pas inaperçue : plus grande
clameur, et même quelques agents au sol de l'aéroport qui
chantonnent, en passant près de moi : « A-li
Bon-go ».
A la sortie de la
salle de débarquement, la diversité des nationalités, la grande
présence d'occidentaux, et surtout d'Asiatiques me trouble un peu.
Il y a combien de pays asiatiques membres de la Francophonie ou ayant
été appelés comme pays invités ? Je ne sais pas du tout,
mais une chose est sûre, ils ont l'air bien plus heureux que tous
les Sénégalais que j'ai croisé depuis ce matin, du déroulement de
cet événement.
À dix-neufs heures,
l'avion de mon oncle n'est toujours pas arrivé. J'appendrai plus
tard qu'ils ont été contraints de passer la nuit à Abidjan, à
cause des changements d'horaires de vols inhérents au programme très
complexe mis en place pour le XVème sommet de la Francophonie. Dans
le bus qui me ramène chez moi, je me demande alors : ils y
gagnent quoi, concrètement, les Sénégalais, de cette grande
messe ? En quoi augmentera-t-elle le trop faible taux (de 10 à
15 %) de la population sénégalaise capable de parler, de lire
et d'écrire le français?
J'ai été assez surpris
d'entendre, un peu plus tard dans la soirée, que l'organisation a
fortement contribué à la résolution de conflits et à la gestion
de crise de toutes ordres en Afrique. Est-ce vraiment le rôle de la
Francophonie ? Je n'en sais pas grand-chose. Mais, vu que le
sujet est abordé, je me demande bien ce vous en pensé, vous autres,
de la Francophonie, parce que, après, on va dire qu'Engo se mêle de
ce qui ne le regarde pas ! Alors, pour ne pas me faire « pointer
du doigt » tout seul, je vais vous mouiller avec moi :
pour vous, francophones du Sénégal, d'Afrique et de partout dans le monde, quelle la place réelle du français dans votre vie ? Et
quelle est celle de la Francophonie ? Et pour finir, dites-moi,
vous, quel est le rôle que vous pensez qu'elle devrait réellement
jouer ?
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