I Am Malcolm X
Bonjour les Êtres
humains !
Aujourd’hui est un jour
particulier dans l’histoire, celle des Etats-Unis d’Amérique, celle de tous les
Afro-américains, et par extension, celle de tous les noirs de la planète. Oui,
ce 21 Février marque la date de l’assassinat d’un de ceux qui portèrent les voix du peuple noir au pays de l’Oncle
Sam, sous l’ère de la ségrégation raciale : El-Ahjj Malek El-Shabazz, né
Little, et plus connu sous le nom de Malcolm
X.
Je n’ai pas la
prétention de refaire ici sa biographie. Vous pourrez la trouver un peu partout
sur internet et dans les bonnes librairies. Je ne peux pas dire que j’ai été
grandement influencé par ses paroles ou ses faits. D’ailleurs, je me suis rendu
compte, il y a peu, que je ne les connaissais que très peu. Ce qui n’est pas
très étonnant. Car, comme beaucoup de jeunes Africains de mon âge (nés dans les
années 80), ce n’est vraiment qu’après 1992 que je découvre l’homme, à travers
l’adaptation libre de son autobiographie au cinéma par Spike Lee, film dans
lequel il est incarné par le célèbre acteur américain Denzel Washington. A cette
époque, je devais entrer au lycée et, je l’avoue, je ne comprenais pas bien ce
qui se jouait dans ce film : quels étaient les enjeux, les pouvoirs en
action, et surtout, le message de l’homme. Je me rappelle qu’il n’y avait que
la scène du début, dans laquelle il se défrise les cheveux chez le coiffeur,
que j’avais retenu. En gros, je le voyait comme tous ces autres célèbres
personnages historiques noirs dont tout le monde connait le nom, et un petit
résumé de la vie, sans vraiment connaitre le message qu’ils ont porté, à l’instar
des Martin Luther King Jr, Jesse Jackson, Patrice Lumumba, Nelson Mandela…
Quelques années plus
tard, tandis que je terminais le lycée, je fus pris d’un certain intérêt pour l’histoire,
et plus particulièrement celle du peuple noir, à travers le monde et les âges. A
cette époque, dans mon entendement, qui ne se basait alors que sur les quelques
documentaires que voulait bien nous diffuser la chaîne Planète, Malcolm X était
une sorte d’extrémiste, à l’opposé du pasteur King. Pour moi, ce n’était rien d’autre
qu’un de ces radicalisés, tels les « Black Panthers », qui prônaient
la violence pour répondre à la violence, et qui, finalement, ne proposaient
rien d’autre qu’une nouvelle forme de ségrégation en voulant séparer les noirs
des blancs, chose impensable pour quelqu’un comme moi, qui croit en la richesse
de la diversité et de la mixité. Je tiens à souligner le fait que, quelle que
fut le message de Malcolm X et la portée de celui-ci, j’ai remarqué qu’il est
très peu diffusé dans les médias. C’est d’ailleurs l’orientation de l’analyse
faite du personnage par ceux-ci qui finit par laisser croire que ce n’était qu’un
extrémiste radicalisé. Mais bon, il est vrai que, de mon côté, je n’ai jamais
vraiment pris le temps de découvrir réellement qui était cet homme et ce qui le
motivait vraiment.
C’est étrange comme les
choses les plus sérieuses peuvent partir d’un rien, d’un fait totalement banal.
Il y a environ deux mois, je me suis dit que j’allais me refaire une
vidéothèque beaucoup plus dédiée au cinéma noir. J’avais commencé à faire la
liste des films que j’avais déjà regardés et que je désirais conserver
précieusement. Bien évidemment, les premiers noms qui me vinrent en tête furent
(dans cet ordre-là) : Spike Lee, Denzel Washington, Malcolm X ! Ce
fut donc le premier film que je téléchargeai (oui, en Afrique, le
téléchargement est toujours légal !). J’avais décidé de prendre la version
originale, pour, me dis-je, tester mon niveau en Anglais. La première fois que
j’ai à nouveau regardé ce film, je me suis rendu compte que, non seulement je ne
l’avais pas compris, plus jeune, mais qu’en plus, je n’avais rien retenu et qu’en
définitive, je ne savais rien de Malcolm X. je me suis donc mis à la recherche
de documents de toutes sortes me permettant de m’édifier un peu plus sur l’homme.
De tout ce que j’ai lu, écouter et regardé jusqu’à lors, il y a certaines
choses qui m’ont particulièrement interpellé.
En réalité, sur la vie
de Malcolm X, il y a deux choses qui m’ont marquées plus que tout. La première
concerne son rapport avec la religion. C’est tout simplement curieux de voir
toutes les étapes que peut traverser un homme tout au long de sa vie, dans sa
relation avec Dieu. Curieux de voir que quelqu’un qui est né « Little », nom de son père pasteur
baptiste, donc chrétien, puis s’est fait appeler « Satan » en prison, preuve de son aversion pour la religion,
avant de finir par devenir « X »,
sous la bannière de Nation of Islam, meurt sous le nom de Malik El-Shabazz, celui qu’il adopte pour matérialiser sa
conversion à l’Islam orthodoxe, qu’il considère finalement comme La religion de
la vérité. Ici, on voit le dualisme entre la quête de Dieu et celle d’une
identité vraie, preuve pour moi que la religion, ou du moins, la spiritualité,
ne doit pas être un élément hors de la vie de l’homme, complètement mis à part,
mais plutôt qu’elle fait partie intégrante et joue un rôle primordial à chaque
étape de son existence.
La seconde chose qui m’a
interloqué, dans la vie de l’homme, est la dévotion presqu’aveugle qu’il voua,
pendant des années, à son ancien guide et mentor, Elijah Muhammad, leader de Nation of Islam. La ferveur dont il
a fait montre pour lui pendant ces années, puis le changement radical qu’il
opère après sa séparation d’avec la Nation, me font penser à ces
histoires que nous racontaient les vieux films chinois des années 90, vous vous
en souvenez ? ils parlaient presque toujours d’un jeune qui devenait un
grand maître des arts martiaux, sous l’égide d’un maître, et qui, parfois, se
retournait contre ce dernier, pour des raisons justes ou pas. Je vois dans ce
parallèle, le fait qu’il est difficile de se faire tout seul, de devenir « quelqu’un »,
ce à quoi on aspire vraiment, tout seul. Mais, ce qui est plus notable, c’est
qu’en fin de compte, ce n’est pas tant l’identité du maître, sa personnalité,
qui comptent, mais plus les méthodes, les techniques, les valeurs, et surtout
la dynamique qu’il insuffle à son disciple qui lui permettent d’avancer, de s’améliorer
et parfois, d’aller un peu plus loin que le maître. Un peu comme cette vieille
histoire du maître qui enseignait à ses disciples qu’avec la foi, ils pouvaient
tout faire, même marcher sur l’eau, et qui un jour s’étonna de voir le plus
assidu d’entre eux debout sur les flots, chose que lui-même n’avait jamais
réussi.
Rassurez-vous, je ne
referai pas comme au lycée : ne me focaliser que sur la vie de l’homme et
oublier ses paroles, et donc le message qu’il portait. J’ai eu envie de
partager ici, avec vous, un texte sur lequel je suis tombé par hasard, il y a
deux jours, je crois. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de Naya, rédactrice en chef
de NOFI (Noir et Fier), qui a publié sur le site une traduction du dernier discours de Malcolm X, du
16 Février 1965, à l’église méthodiste de Corn Hill Rochester de New York.
Ce que je retiens de ce
discours, c’est son caractère contemporain. D’une part, on voit qu’à cette
époque, Malcolm X dénonçait déjà un
phénomène qu’on observe aujourd’hui avec une ampleur beaucoup plus grande :
l’interprétation totalement orientée des textes religieux pour servir des
causes purement égoïstes ! En effet, en ce temps là, c’était les
dirigeants de la Nation of Islam qui, se targuant, se prétendant membres de la
communauté islamique, s’enrichissaient et endoctrinaient les plus jeunes pour les
mettre, non pas au service d’Allah
et de la communauté, mais à leur propre service. Cette façon d’agir n’est pas très différente
de celle qu’on observe aujourd’hui un peu partout dans le monde. Des centaines,
que dis-je, des milliers de jeunes qui, sûrement frustrés par les réalités de
la vie, s’engagent, ici aux côté du groupe Etat
Islamique, là, au sein d’Aqmi,
ou encore de Boko Haram, pour
perpétrer des actes qui, pour eux, servent la cause de l’Islam. Or, je ne crois
pas que tuer quelqu’un, quelle qu’en soit la raison, soit bénéfique pour une
religion comme l’Islam. Une religion qui, en réalité, enseigne la fraternité, l’amour
et la tolérance envers les autres, quelque soit leur confession religieuse.
La seconde chose qui
est particulièrement notable et bien d’actualité, ces derniers mois, est la
triste réalité du racisme qui se manifeste encore en occident, et plus précisément
aux USA, en Angleterre et en France. Et comme le souligne l’orateur, c’est le
racisme manifesté aux Etats-Unis qui est le plus médiatisé. C’est bien le cas
aujourd’hui, quand on pense à l’impact qu’ont eu les récentes tueries de jeunes
hommes noirs par les forces de police américaines. On se souvient du cas
Michael Brown, jeune noir de 18 ans tué au mois d’aout dernier à Ferguson, dans
la banlieue de Saint-Louis, qui avait entrainé des émeutes et de violentes
manifestations partout dans le pays. Je me souviens avoir eu l’impression de
revoir ces images des années 60, dans lesquels des manifestants noirs étaient
pourchassés par la police avec des chiens et de puissants jets d’eau. D’autres
cas ont suivi celui-là, en novembre dernier, par exemple, où un enfant de 12
ans a été tué à Cleveland, parce qu’il manipulait une arme factice, ou encore
plus récemment (Mardi 23 décembre 2014), ce jeune homme tué à Berkeley, toujours
près de Saint-Louis, par un policier qui
clame la légitime défense. Sur le vieux continent, le fait le plus récent est
sans aucun doute l’humiliation subie par un homme noir mardi dernier (18
Février 2015), dans le métro de Paris. En effet, un groupe de supporters du
club de football anglais Chelsea FC, venus dans la capitale française pour
suivre la rencontre opposant leur club contre le PSG, l’a empêché de monté dans
la rame, le repoussant violemment à chacun de ses essais et scandant des chants
explicitement racistes. En observant tous ces évènements récents, j’ai fini par
me dire qu’il y a au moins un point sur lequel je ne suis pas d’accord avec
Malcolm X : ce n’est pas tant que l’Amérique étale ses problèmes au grand
jour et que L’Angleterre et la France tentent de les dissimuler. C’est plutôt qu’aux
USA, au moins, la population ne reste pas là à regarder sans rien dire, sans
rien faire, face à des actes de racisme. Ce qui s’est passé dans le métro
parisien mardi dernier aurait pu, aurait dû susciter une réaction plus vive de
toutes les communautés minoritaires, de France comme d’Angleterre ! Il est
inconcevable qu’un étranger, en visite dans votre pays, vienne y clamer haut et
fort qu’il est raciste, et le montre dans ses actes, et que vous, vous restiez
là, silencieux, à attendre qu’un jour, cela n’arrive plus. Mais peut-être bien
que les noirs de France ne se considèrent pas assez « chez eux »,
pour manifester contre ce genre d’agissements. Pourtant, ils étaient des
milliers à défiler le mois dernier, criant haut et fort : « Je
suis Charlie » ! Mais je préfère m’arrêter là avant de me laisser
emporter par la colère et l’indignation…
Je terminerai en
appelant, en ce 21 Février, triste anniversaire de l’assassinat de Malcolm X,
chacun de nous, noir comme blanc, jeune comme vieux, chrétien, musulman,
agnostique ou athée, à jeter un coup d’œil objectif sur la vie, le parcours et
le message de cet homme d’exception. Vous y verrez peut-être, comme moi, un
modèle intéressant dans la quête de la justice, de la vérité et finalement, de
la tolérance. Ce genre d’hommes dont le monde d’aujourd’hui aurait grandement
besoin. Et direz avec moi, comme les écoliers en classe avec Mandela, dans le petit
documentaire à la fin du film de Spike Lee : I Am Malcolm X !
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