Je suis chrétien et j’aime l’Islam

Bonjour les Êtres humains !



Je suis né et j’ai grandi dans un pays à forte dominance catholique. Cela n’empêche que le Gabon est un pays d’une grande diversité religieuse, dans lequel on retrouve aussi bien les traditionnels chrétiens « protestants », les églises dites « éveillées », fortement dominées par les courants venus du Nigeria, avec des noms aussi explicites que « Arrêtez de souffrir ! », les courants qui tendent plus vers des sectes, comme l’Eglise Ekankar, ou encore les loges maçonniques les plus connues, telles que l’AMORC ou la célèbre Grande Loge Equatoriale. Je ne parle même pas des animistes et leur large éventail de rites traditionnels ! Et bien sûr l’Islam. Etrangement, durant toute ma prime enfance, je n’ai été que très peu confronté à cette dernière religion. A bien y réfléchir, il n’y avait que le vendredi, vers quatorze heures, lorsque toutes les boutiques étaient fermées parce que leurs tenanciers, majoritairement des   musulmans ressortissants de l’Afrique de l’Ouest, étaient tous à la mosquée, que je me souvenais qu’il y avait des musulmans dans le pays. Il faut dire que le Gabon est un Etat dans lequel les gens n’accordent pas une importance capitale à votre appartenance religieuse. Ce n’est vraiment qu’au lycée, en classe de quatrième, que j’ai commencé à avoir un regard différent sur cette religion.


La mosquée de la Divinité, à Dakar, un de mes endroits préférés



A cette époque, je partageais ma chambre avec le petit frère de mon père, de quelques années plus âgé que moi. Comme j’aimais déjà la lecture, je m’amusais à dévorer chaque nouveau livre qu’il ajoutait à sa modeste bibliothèque d’alors. C’est ainsi qu’un jour, je tombai sur L’Aventure Ambigüe de Cheick Amidou Kane. De ce très beau roman qui décrit, entre autres, les relations père-fils dans une Afrique de l’Ouest au tournant des indépendances, ce qui m’a le plus marqué, c’est l’omniprésence de l’Islam. C’était la première fois que j’entendais parler des écoles coraniques, par exemple. Je crois que l’image qui a eu la plus forte impression sur moi, à cette époque, ce fut celle de l’enfant qui, sorti de l’école coranique, devait, pour démontrer qu’il était devenu un musulman à part entière, réciter, des heures durant, le Coran, devant ses parents. C’est de là que j’ai toujours considéré qu’au de-là de son objectif de quête spirituelle, la religion est aussi un outil pour l’éducation, et donc pour le développement de l’homme, tout au long de sa vie. C’est donc l’image que je m’étais faite de l’Islam, un système qui donne une importance capitale à l’éducation. Mais il faut dire que c’e n’était alors qu’une conception que je m’en faisais, n’ayant jamais vécu dans un environnement véritablement influencé par cette religion.

La première fois que j’eu cette chance, je débarquai à Bamako, au Mali, il y a quelques années. C’est fou le nombre de choses qui peuvent échapper à l’œil de l’étranger ! Mon premier jour sur place, je n’avais pas remarqué la multitude de mosquées qu’il y avait autour de l’immeuble que nous habitions alors. Je ne m’étais pas, non plus, rendu compte de leur proximité. C’est le lendemain aux aurores, au premier appel du muezzin, que je pris conscience de l’endroit où j’étais. Et cela dura un bon mois ! Tous les matins, c’était la même voix rouillée qui me réveillait vers cinq heures moins. Bien que quelques fois, cela me servait de réveil lorsque j’avais un programme très important le matin, la plupart du temps, cette routine m’empêchait juste de profiter d’une agréable grâce matinée. Heureusement, j’ai finis par m’y habituer. Ou plutôt, j’ai finis par accepter cette contrainte qui, au départ, était pour moi un phénomène plutôt dérangeant. La preuve en est qu’aujourd’hui, je me sers de l’appel à la prière du matin pour me repérer et savoir combien de temps il me reste pour me préparer à aller à la messe de six heures et demi, aux Martyrs de l’Ouganda, l’église la plus proche de mon domicile actuel, ici à Dakar. Et ce n’est qu’un des aspects positifs que je trouve à côtoyer un monde dominé par l’Islam. Encore que, j’ai finis par découvrir, avec le temps et les expériences, qu’il n’y a pas qu’une, mais plutôt différentes Islam. Je ne veux pas, ici, m’appesantir sur les divers courants islamiques. D’ailleurs, je n’y comprends strictement rien aux différences entre les Sunnites, les Shiites, les Wahhabites, et j’en passe. En réalité, je n’ai jamais vraiment voulu chercher à les comprendre, parce que je me dis que cela ne sert à rien de se diviser si on croit au même Dieu, et surtout lorsqu’on le connait tous à travers un même messager.  


De mon point de vue, ce sont ces divisions internes qui donnent de la religion musulmane l’image ternie qu’elle a aujourd’hui auprès d’une grande partie des non-musulmans. Parce que quelques illuminés profitent de l’origine de ces divisions, et des conditions dans lesquelles elles sont nées et ont évoluées pour, aujourd’hui, en faire une interprétation qui ne sert que leurs intérêts personnels. Intérêts qu’ils réussissent à masquer derrière des idéologies que, tout compte fait, ceux qui y croient ne comprennent d’ailleurs pas toujours. Je ne parlerai pas des conflits qui morcellent tout le Moyen-Orient : je crois que tout le monde a une idée des dégâts de ceux-ci. Ce qui me sidère le plus, ce sont les informations, à la télévision, à la radio ou sur internet. A chaque fois que je regarde les nouvelles internationales, j’ai toujours l’impression que les pires atrocités commises en ce moment sont l’œuvre de personnes qui se justifient en disant défendre l’Islam. Cela ne devrait pas beaucoup étonné que l’on soit stigmatisé dès qu’on a un prénom d’origine arabe ou qu’on porte une grande barbe. Certains groupuscules se sont évertués à donner une image guerrière des musulmans, et les évènements qui minent le monde et qui se rapportent à l’Islam ne sont pas pour adoucir cette image. Au contraire, ils ne font que l’endiabler, au point qu’à première vue, on a l’impression d’être revenu au temps des Croisades. Encore que, si cette image déformée de la religion musulmane n’était perçue que par les occidentaux, qui ne sont pas directement en rapport avec l’Islam et qui peuvent le vivre comme une étrangeté, je comprendrais encore. Mais il faut avouer que je suis souvent choqué par l’attitude de certains de mes frères et sœurs d’Afrique Centrale, vis-à-vis de l’Islam, ici à Dakar.

Ce qui m’horripile le plus, c’est lorsque j’entends des étudiants Gabonais ou Congolais, qui vivent parfois depuis des années à Dakar, se plaindre lorsqu’ils entendent, au loin (ou pas), la voix du muezzin qui appelle à la prière : « encore ce vacarme ! », « il ne se repose jamais ! », lâchent-ils souvent. Moi, je me demande alors comment l’on peut vivre au milieu des gens, en tant qu’étranger, et ne pas vouloir accepter leurs pratiques. Si encore elles relevaient des simples mœurs, ou des habitudes culturelles, on pourrait pardonner, encore que, dans les deux cas, on touche des questions purement subjectives, que l’on se doit d’accepter, qu’on les juge bonnes ou pas. Mais la religion ! La foi ! Ce en quoi un Être humain croit le plus, qu’il place au centre de son existence et qui régie celle-ci ! Non, vraiment, je n’accepte pas qu’on y porte des jugements, surtout s’ils ne servent qu’à critiquer et ne conduisent à aucune réflexion constructive.




Lorsque j’entends parler ce genre de personnes, ou que j’entends les critiques des médias internationaux, j’ai l’impression que, selon eux, il n’y a rien de bon dans l’Islam, sinon imposer le port du voile, la Charia, et toutes ces autres règles, toutefois dogmatiques, mais qui le rende semblable à toutes les autres confessions monothéistes. Pourtant, à bien y regarder, on pourrait lui citer une multitude de vertus et de points positifs. S’il fallait que je les cite tous ici, on y passerait la journée ! Mais, il y a quelque chose que j’admire énormément chez les musulmans. C’est leur esprit enclin à l’altruisme. Il est vrai que la majeure partie des religions préconisent que l’homme développe, d’abords, sa relation avec son dieu, ensuite, celle avec lui-même, et enfin, celle avec ceux qui l’entourent, mais j’ai noté que c’est le troisième point sur lequel les musulmans que j’ai le plus fréquenté s’appesantissent le plus. Je suis toujours fasciné par la grande communion qui existe ici, au Sénégal, entre les chrétiens et les musulmans. Je me souviens d’ailleurs qu’un jour, mon ancien bailleur, un vieillard de plus de soixante-dix ans, fervent pratiquant de l’Islam, m’a montré, posé sur son petit bureau, dans son salon, sa Bible. « Il faut bien connaitre ceux avec qui on vit, non ? », me disait-il alors. Oui, je suis d’avis qu’il faut bien connaitre et comprendre ceux qui vivent avec nous, tant pour notre bien que pour le leur. Et surtout, il faut savoir respecter leurs différences, que ce soit de sexe, d’idéologie politique, philosophique ou religieuse. Ma jeune voisine, Fatou, me rappelle souvent qu’un des messages les plus importants de l’Islam est le respect et la sollicitude envers son prochain. Message auquel je veux bien adhérer, bien que non-musulman. Parce je me dis qu’en réalité, Chrétiens, Musulmans, Juifs, autres, nous croyons tous à la même chose : la foi dans l’avènement d’un monde meilleur. Un monde que nous n’avons pas à attendre, assis, guettant un hypothétique apocalypse qui viendrait nettoyer la terre de tout ce qui ne serait pas bon ou juste, mais plutôt un monde que nous pouvons, que nous devons construire, chacun d’entre nous, chaque jour de notre vie, en commençant par apprendre à accpeter, à épouser et à intégrer les différences des uns et des autres. C’est pourquoi, j’affirme mon appartenance à l’Eglise catholique, mais je n’ai pas honte de dire que J’AIME L’ISLAM ! 

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