Libreville, Dakar, deux villes, deux mondes, un même visage
Bonjour les Êtres humains !
La mélancolie est un
sentiment qui vous tombe souvent dessus sans prévenir, et ce, très souvent à
cause d’un petit rien du tout : un mot, un geste, une odeur, une image, un
don, une sensation ! C’est ce petit rien du tout que j’ai croisé ce samedi
soir en me baladant dans les rues de Dieupeul.
Vue partielle du quartier Dieupeul, à Dakar. CP: Barack Nyare Mba |
Dieupeul ? C’est
un petit quartier populaire de l’arrondissement de Grand Dakar, Situé dans le
centre-sud de la capitale sénégalaise. Construit à l’origine par la SICAP (Société
Immobilière du Cap-Vert) dans le style des cités pour cadres moyens, avec ces
grandes et larges maisons basses, derrière leurs longues barrières collées les
unes aux autres, le quartier prend peu à peu, au fil des années qui passent, l’aspect
de la majorité des quartiers populaires de Dakar : un mélange hétéroclite
(aussi bien dans les dimensions que dans l’esthétique) de nouveaux immeubles
aux couleurs et aux finitions les plus étranges ! Heureusement qu’il reste,
de ça de là, quelques pâtés de maisons qui reflètent encore son aspect originel :
des ruelles exemptes de toutes activité commerciale (salons de coiffures, mini-restaurants
et autres boutiques de vêtements pour femmes, et/ou hommes) et bordées de part
et d’autres d’arbres fruitiers aux feuillages touffus, qui cachent aux yeux du
visiteurs le décor intérieur. A chaque fois que je m’y promène, j’ai le sentiment
de me trouver quelque part à la Cité de la Caisse, ce petit quartier de
Libreville, perché sur le flanc d’une haute colline, qui, il y a une dizaine d’années,
pouvait encore se vanté d’avoir gardé ce paisible charme typique des
agglomérations construites un peu partout dans le monde, pour une certaine
catégorie de la population active (une entreprise privée, une société public,
un corps administratif, etc.)
Mais revenons à
Dieupeul. J’y habitais encore il y a sept mois, et ce, depuis deux ans déjà. Juste
avant, j’avais vécu dans le bruit incessant qui règne au quartier Médina, une
ville dans la ville, périphérique au centre névralgique de Dakar, avec tous ces
restaurants libanais, turcs, et je ne sais de quel autre pays proche du
Moyen-Orient. Sans compter les innombrables boutiques de vêtements de toutes
sortes, pour toutes générations et tous les âges, qui donnent l’impression de
vivre à l’intérieur du marché Tilène qu’il abrite. Et sans oublié le
sempiternel marché du Mercredi, avec sa horde de vendeurs de froufrous à la
sauvette ou à l’étalage, et l’incroyable nuée de femmes qu’il attire ! Ce
fut donc pour moi comme une libération de me retrouver dans cet endroit encore
assez calme et paisible, comme lorsque j’étais parti de « Derrière la
Prison » pour le quartier « Nouvelle Cité », il y a une
quinzaine d’années, à Libreville.
Libreville ? C’est
de là que je viens. Une capitale jeune et en plein changement incessant, un peu
comme Dakar. « Derrière la Prison » ? C’est le quartier dont j’y
suis issu, et où j’ai passé la quasi-totalité de mon enfance et de ma jeunesse.
Rien qu’en entendant le nom, vous hésitez déjà à y mettre les pieds !
Situé dans le premier arrondissement de la capitale gabonaise, c’est un de ses
bidonvilles. Des maisons modestes, souvent en planches rongées par les mites et
les termites, séparées les unes des autres, par ci, par des pistes en terre
jaune qui vous donnent l’impression d’être au village, par là, par des étendues
de hautes herbes noyées dans des marécages. Les habitations y sont construites de
manière anarchique, sans aucun plan d’urbanisation, ni même l’avale du
Cadastre. Les populations qui y vivent viennent de tous les recoins du pays. Aucune
n’est originaire de cette partie de l’Estuaire du pays. Ce sont souvent des
familles, pauvres pour la plupart, qui sont venus s’y installer pour tenter l’aventure
de la capitale. Entre les peuples de l’ethnie Punu et ceux du groupe Fang, qui
sont les deux majoritaires, la cohésion est maintenue, malgré les clivages ancestraux.
Mais la misère et l’indifférence du pouvoir faisant, ce quartier a fini par se
faire une réputation de « favela sous les tropiques », l’insécurité s’y
étant installée et développée depuis bien des décennies. Moi qui aime le calme
et la tranquillité, j’ai souvent eu envie de partir de là quelques temps. Pour me
dépayser aussi un peu, je pense. Lorsque j’étais au lycée, durant la saison des
grandes vacances (l’équivalant de l’été occidental), ma mère m’envoya passer un
mois chez sa grande sœur, dans un nouveau quartier embusqué dans les méandres
de la grande commune de Nzeng-Ayong. A cette époque, cet endroit était l’un des
plus paisibles dans lesquels j’ai eu l’occasion de séjourner. Toute la journée,
on n’entendait que les chants des oiseaux qui grouillaient dans les branches
des dizaines d’arbres qui semblaient recouvrir tout le quartier. L’air frais, l’odeur
pure de la végétation voisine, le calme ambiant… m’ont fait comprendre que l’environnement
dans lequel on vit influe beaucoup sur nous. Car, j’eu tellement apprécié ce
séjour que je me débrouillais maintenant pour y être dès que j’avais du temps
libre. Et à chaque fois que j’en revenais, je me sentais frais, ressourcé,
plein de vigueur.
Au fil de mes
interminables déplacements à travers le Gabon, et ensuite l’Afrique de l’Ouest,
j’ai fini par aimer chacun de ces quartiers dans lesquels j’ai vécu. J’aime « Derrière
la Prison », avec, certes, ses dangers, mais aussi avec ses bistrots
animés et ses immanquables vendeuses de poissons braisés, poulets braisés et
autres brochettes de viande ou de rognons, ou encore de queues de porc. J’aime
Mbaya (Franceville, Gabon), avec ses rues peu agitées et ses habitants qui
vivent comme là-bas, dans les villages les plus reculés du pays. J’ai aimé
Daoudabougu (Bamako, Mali) parce que ce fut mon premier contact avec le monde,
la vie, les Etres humains de l’Afrique de l’Ouest. Et comme j’aime la
découverte de la diversité et de l’inconnu, de l’étranger, la vie à
Dauoudabougou a été pour moi une expérience de découvertes et d’émerveillements
perpétuels. J’ai bien aimé Médina, malgré le bruit, à cause du marché. Il donne
à l’endroit une ambiance des souks d’Afrique du Nord. Oui, j’avoue, je suis
mélancolique…
En parlant de
mélancolie, revenons donc à ce petit rien du tout que j’ai croisé ce soir
samedi en me baladant dans les rues de Dieupeul. Ce que je faisais à Dieupeul ?
Je suis allé rendre visite à un ami qui y vit et ai profité de l’occasion pour
lui emprunter son câble USB afin régler un petit « problème de nouvelles
technologies » (téléphone en rade…). En sortant de chez lui, j’ai été un
peu surpris de voir autant de véhicules, de personnes et d’activités dans les
ruelles, pourtant souvent calmes, de mon ancien quartier. « Suis-je bête !
Ai-je pensé, c’est tout à fait normal : nous sommes Samedi ! » Dieupeul, comme le reste des quartiers de
Dakar, de toutes les villes du Sénégal, de l’Afrique de l’Ouest, du contient et
de tout le globe terrestre, vit au rythme particulier de cette soirée que
presque toute l’humanité considère comme un moment de détente et de divertissements,
après une semaine plus ou moins dure, cela dépend de chacun… L’ambiance
environnante a fini par me donner l’impression d’être chez moi, à Libreville, à
« Derrière la Prison » : pour les plus âgés, des petites
retrouvailles entre voisins, devant la demeure de l’un d’entre eux, à discuter
autour d’un repas et/ou d’un verre ; les trentenaires et autres « jeunes-adultes »
de toutes les classes sociales ont l’air d’avoir décidé de se défier sur le
plan vestimentaire, avant de filer dans les restos équivalents à leurs bourses
et finir la soirée dans des espaces de divertissements (boite de nuit, snack-bar,
maquis et autres bistrots…), là aussi selon leurs moyens. Les adolescents
essaient d’imiter leurs aînés, en traînant dans le quartier, à débattre entre
amis ou à découvrir les « jeux de l’amour et du hasard ». Ceux qui ne veulent sûrement pas dépenser beaucoup se retrouvent devant les barbecues postés
aux points les plus névralgiques de la cité, dégustant des brochettes de
mouton, de bœuf, de porc ou encore des poissons cuits sur le grill. A quelques
endroits, comme un peu partout, quelques trouble-fêtes, déjà relativement éméchés,
élèvent légèrement la voix, bien que de manière brève et isolée.
J’ai eu presque l’impression
d’évoluer entre deux mondes, pourtant si différents, et pourtant si semblables.
Différents de par la diversité de leurs habitants, de par celle de leurs
origines, celle aussi de leurs cultures, de leurs coutumes, de leurs langages,
de leurs croyances. Et semblables de par leurs conditions de vie, des réalités
sociales qu’elles vivent, des contraintes économiques qu’elles subissent, et aussi
de par les comportements des Êtres humains qui y vivent. J’ai fini par me dire
que, certes, la beauté des mondes se trouve souvent dans les différences qu’ils
recèlent, mais elle peut aussi bien se cacher dans les ressemblances de ces différents
mondes, comme les divers profils d’un seul visage, celui de l’Homme.
Tres bon rapport qualité entre Lbv et Dkr...
RépondreSupprimer