Fêtes des cultures de Libreville : un œil sur les Arts plastiques
Il y a de cela quelques
années déjà, lorsqu’il était maire de Libreville, l’ancien ministre, ancien
opposant candidat à la présidentielle et accessoirement homme de Dieu, M. Paul
MBA ABESSOLO, lançait les Fêtes des
cultures de Libreville. C’était une sorte de grand festival des cultures
locales, qui rassemblait un peu partout dans la capitale, toutes les ethnies
du pays, rivalisant de talents pour obtenir le titre des plus belles
expressions culturelles de l’année.
Je me rappelle de ces premières
éditions qui mettaient toute la ville en effervescence pendant tout le
déroulement des festivités. Les gens n’avaient qu’un même programme :
vaquer à leurs occupations le plus tôt dans la journée pour se libérer et aller
traîner toute la soirée et au de-là dans les Jardins de la Peyrie, entre
autres, à admirer les nombreux groupes de danses traditionnelles venus des
profondeurs de l’arrière-pays ; écouter les interminables chants des
conteurs de M’Vett, déguster une myriade de plats traditionnels aussi
surprenants que délicieux ; ou encore les recettes de vins et liqueurs
locales, le tout arrosé de boissons à moindre prix. Mes parents gardent encore dans un album-photo, une image de ma grand-mère, en tenue de danse traditionnelle, qui était venue avec son groupe, lors d'une des premières éditions. En ce qui me concerne,
j’étais bien jeune et à cette époque, ce qui m’intéressait par-dessus tout,
c’était de danser l’Elone toute la nuit jusqu’au matin. Il faut dire que d’une
part j’adore danser et que, de ce fait, je ne pouvais pas manquer une telle
occasion de m’amuser, et d’autre
part, l’Elone est une danse traditionnelle Fang, qui se pratique en file
indienne, tournant en rond autour des percussionnistes. Ces derniers lancent
les couplets des chants et la foule de danseurs reprend les refrains. Mais la
véritable particularité et le principale intérêt du jeune homme que j’étais
alors est le fait que c’est une danse mixte, très sensuelle, sur des chants aux
paroles assez explicites. C’était donc l’occasion de faire de belles rencontres
et peut-être bien plus…
Mais je m’égare dans mes
souvenirs de jeunesse. Venons-en à ce qui me pousse à parler de la fête des
cultures aujourd’hui. Le fait est qu’après quelques années passées dans les
oubliettes de la Mairie et du Ministère des cultures, elle est à nouveau
d’actualité. En effet, en ce début de mois de juillet, s’est tenue la 13ème
édition de la Fêtes des cultures de
Libreville. Étrangement, l’ambiance n’était pas celle que j’ai connue dans les
années antérieures. Il faut reconnaître que, pour une fois, ce n’est certes pas
de la faute des autorités organisatrices qui se sont données beaucoup de mal à
informer les populations : spots publicitaires à la télévision et sur les
chaines de radio, affiches dans toutes les principales artères de la capitale
gabonaise...
En général, pour prendre la
température d’une activité comme celle-là et connaitre l’implication réelle des
populations dans celle-ci, j’observe tout simplement les habitants de mon
quartier : ils se composent en grande partie des classes les plus basses,
sont pour la plupart peu instruites et comprennent une grande diversité
d’ethnies locales et de ressortissants étrangers. Pour moi, il n’y a rien de
mieux que de descendre dans les « matitis » pour prendre le vrai
pouls de la population. Ce qui est étrange, c’est que déjà bien avant la date
du début des célébrations, le jeudi 07 juillet 2017, personne ne paraissait
vraiment s’en intéresser. Dans les années passées, le sujet serait déjà à la
une de toutes les conversations, la principale préoccupation pour les jeunes, qui
sont presque tous en vacances, et pour ceux qui espéraient y exercer quelque
commerce pour se faire un peu de sous. Mais rien, « que
chwiiiiiiiinnnnn ! », comme on dit ici.
A cause de mon boulot, je ne me
suis pas particulièrement intéressé à l’évènement. D’ailleurs, j’avais
complètement oublié qu’il aurait lieu, jusqu’à ce que quelqu’un me le rappelle.
J’avais en effet, prévu de préparer un petit billet sur un jeune homme, artiste
peintre, qui vit dans le même quartier que moi. Cela faisait des semaines qu’on
en avait parlé et mon questionnaire étant fin prêt, je voulais caler un
rendez-vous avec lui pour l’entretien. Le soir du deuxième jour des festivités,
je le croise devant chez lui et lui demande de me proposer une date. Il me fait
alors comprendre qu’il a une exposition en cours et qu’il ne sera pas vraiment
disponible ce week-end. Toutefois, il m’invite le lendemain à aller y assister.
J’accepte, mais pour des raisons professionnelles, je ne peux m’y rendre. Je me
sens un peu mal de ne pas avoir tenu ma promesse et lorsque nous nous croisons
ce dimanche 09 juillet, dernier jour des festivités, je prends l’engagement
d’aller voir ses tableaux dans le courant de la journée. C’est ainsi qu’aux
environs de midi, je me rends à la Maison de la Télévision Georges RAWIRI, où
se tenait l’exposition.
En arrivant devant le portail de
l’édifice, je sui assez surpris de n’y voir que très peu de monde. En effet, à
part quelques groupes d’hommes agglutinés dans un coin du parking de
l’enceinte, jouant au « Songo », un jeu traditionnel venu du nord, il
y a à peine une poignée d’individus qui visitent les lieux. Je me dirige
directement vers le principal hall du bâtiment. Là, les jeunes artistes
reconnaissables aux badges qu’ils portent autour du cou, vont et viennent aux
milieux des tableaux, des sculptures et des photographies.
Je suis déjà sous le charme des premières
œuvres que j’admire lorsque je tombe sur un tableau signé « Daddy Peinture ». Il s’agit d’une
œuvre de mon jeune voisin d’artiste, celui qui m’a invité là. Je me décide à
faire le tour pour voir s’il a d’autres tableaux exposés lorsque je le vois
s’avancer vers moi, tout souriant. « Content
que tu sois venu, ça fait plaisir ! » Il me présente ses cinq
tableaux en lice, en m’expliquant qu’ils feront l’objet d’un vote par un jury
composé de maitres de l’art, entre autres, puis, me laisse à ma visite pour
s’occuper d’un de ses frères et de ces deux amis qui lui ont fait l’honneur de
venir. J’ai le temps de découvrir les autres œuvres : des tableaux de
différentes tailles, à l’instar des ces petits paysages de forets et de
rapides, probablement du fleuve Ogouée, signés Luc Armand MIGAN. Les tableaux, exposant des paysages, des
portraits ou des compositions plus complexes, alliant traditions et modernités,
d’artistes tels que Kedina, Alban ou encore Willy MILINGU, sont aussi appréciables les uns que les autres. Dans un coin de la salle, sont rassemblées
des photographies de taille moyenne. On peut aussi admirer, au milieu des
tableaux, diverses sculptures, comme celles de M. Jean Blaise NTSIANGANA-IMBOU. Je suis totalement en admiration
devant les œuvres des « maitres », particulièrement devant les
tableaux de Me MINKO MI NZE, qui
associent aux toiles des matières telles que le Rafia, un tissu produit
localement, et le carton, le tout dans des ensembles très tradi-modernes. En
passant devant une étrange pièce, faite de bois, de verre et de fer forgé, je
suis surpris de reconnaitre le nom de son auteur, Me Clotaire BABIKA, qui fut mon professeur d’arts plastiques au
lycée, et qui fut le premier artiste de la bouche duquel j’appris que j’avais
un certain talent pour les arts graphiques, et particulièrement le dessin. Je
refais le tour de la salle pour repérer toutes ses œuvres. Elles semblent
constituer une série, composées avec les mêmes matières que celles citées plus
haut, dans les mêmes coloris et aussi symboliques qu’éblouissantes. Je me
demande juste combien une de ces pièces pourrait couter et surtout, j’imagine
les progrès effectués par mon ancien enseignant pour avoir, aujourd’hui, les
moyens de travailler des matières aussi complexes que le verre ou le fer forgé.
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Sculpture de Me Clotaire BABICKA |
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Tableau de Me MINKO MI NZE |
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Une des photographies exposées |
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Tableau d'ALBAN |
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Sculpture de Me BABICKA |
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Tableau de Daddy Peinture |
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Daddy devant son tableau |
Je revois mon cher voisin, Daddy,
avant de quitter les lieux. Il m’explique brièvement combien de fois il est
difficile pour eux de vendre leurs œuvres. Je le comprends bien, vu le manque
d’affluence, un dernier jour de festival. Je repars de là avec un petit
pincement au cœur pour ces jeunes qui, tant bien que mal, poursuivent leurs
rêves, malgré les difficultés. Ils envisagent d’organiser, avec leurs propres
moyens, des exposition-ventes. Je leur souhaite un bon vent et vous donne
rendez-vous très bientôt pour découvrir l’un d’entre eux. Inch’Allah !
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