Accidents de la route : arrangements à l’amiable, la meilleure solution ?

Bonjours les Êtres humains !  


Les règles qui régissent notre monde actuel, dit « civilisé », veulent qu’en cas de litige entre concitoyens, de quelque nature qu’il soit, celui-ci trouve une solution par l’application de textes juridiques, valables pour tous. La lecture, l’application et l’exécution de ceux-ci étant régie par l’autorité chargée de faire régner l’ordre et la loi. Cependant, chez nous, au sud du Sahara, les mœurs et les cultures ont longtemps prôné le règlement de litiges à l’amiable. C’est peut-être la raison pour laquelle, très souvent, nous préférons trouver une solution dite « amicale », lorsque ce devrait être « l’autorité » qui tranche. C’est, la plupart du temps, ce qui se passe sur les routes. Cette solution est si prisée que certains en ont fait un fond de commerce. C’est ainsi que, jouxtant l’Université Bourguiba de Dakar, se trouve un organe privé savamment baptisé : « Arrangement à l’amiable ». Toutefois, bien que cette façon de faire semble satisfaire un grand nombre d’automobilistes, il est judicieux de se demander si elle est la meilleure attitude à adopter, dans quels cas elle devrait, ou pas, l’être, et quels sont les risques qu’elle comporte.


Comme tout le monde, j’ai une peur bleue indigo des accidents de la route. Heureusement, je n’en ai jamais eu, et n’y ai jamais assisté, en tout cas, jamais à un qui soit vraiment grave. Celui qui s’est déroulé devant mes yeux ce mardi 07 Avril 2015 à quelques pas de chez moi, et qui m’a suscité ces interrogations, n’était, d’ailleurs, pas dramatique. Ce qui m’a réellement choqué, ce fut plutôt les protagonistes impliqués et surtout leurs comportements. Je revenais d’une petite course et marchait sur le bord du trottoir lorsqu’est apparue, à quelques trente mètres de moi, un véhicule de marque « Range Rover » roulant à une allure pourtant raisonnable. Au même instant, un garçon d’environ une dizaine d’années, une cuvette pleine de sachets d’eau sur la tête, s’apprêtait à traverser la voie. Je ne saurais dire ce qui a motivé cet enfant à s’élancer de son pas lent sur la chaussée, faisant totalement fi du véhicule qui se rapprochait de lui. Les enfants sont souvent si distraits… ce devait être aussi le cas du conducteur du véhicule, car, bien qu’on puisse admettre que la hauteur de son bolide ne lui ait pas permis de voir le gamin au moment du choc, j’ai du mal à trouver une autre explication au fait qu’il ne l’ait pas aperçu lorsqu’il était encore assez loin pour freiner. L’impact n’a pas été très violent, compte tenue de la faible vitesse de la voiture, mais le garçon est resté une bonne poignée de minutes assis sur le bitume, visiblement sonné. Les passants tout autour se sont précipités pour voir s’il allait bien, l’ont aidé à se relever et ont même ramassé la pittoresque marchandise qu’il allait surement écouler entre d’autres véhicules, sur l’avenue Bourguiba voisine. Le conducteur, un homme d’un âge mûr, est descendu, à inspecter son véhicule et s’est adressé au gamin le sourire aux lèvres, pour s’enquérir de son état. Il lui a rapidement glissé un billet de deux mille francs Cfa dans la main, est remonté dans son « Rover » et s’en est allé, pas plus inquiet que cela. Le garçon, visiblement toujours sous le choc, a titubé un peu sur le bord de la route, tentant de reposer sa cuvette sur le crâne. Les quelques passants venus à son secours l’ont conseillé de rentrer chez lui. « Tu n’as pas besoin d’aller travailler, tu as obtenu plus que tout ce que tu aurais gagné aujourd’hui en vendant tes sachets d’eau », lui dira même l’un d’eux. Le garçon a donc rebroussé chemin, boitant encore un peu, mais apparemment sain et sauf. 

En général, la plupart des cas de ce genre se terminent ainsi. S’il n’y pas eu mort d’homme, pas d’effusion de sang, pas de membre brisé, ni de dégâts sur le véhicule, il n’y pas lieu de déplacer les forces de l’ordre, les pompiers, encore moins une ambulance. Quelques billets suffisent alors pour « dédommager » la victime et soulager la conscience du fautif. Ce n’est, certes, pas la première fois que j’assiste à ce genre de scène. Cela arrive très souvent, tant en milieu urbain que rural. Et même quand la victime est un adulte, et pas un enfant naïf. Je me souviens qu’il y a quelques mois, vers le centre-ville, j’ai vu un automobiliste, visiblement pressé, percuter un motard en tentant un dépassement. Le conducteur du deux-roues, heureusement très bien protégé, n’avait pas grand-chose, ni sa moto d’ailleurs, si ce n’est un rétroviseur cassé. La voiture aussi n’avait pas une éraflure. Une fois l’état des engins vérifiés, les deux conducteurs s’étaient isolés des badauds quelques minutes et étaient reparus avec le sourire, s’échangeant une dernière poignée de mains avant que chacun ne reprit sa route.

Bien évidemment, il n’y pas qu’à Dakar que ce genre d’arrangements se pratiquent. Que ce soit à Bamako, à Libreville, ou dans quelqu’autre ville d’Afrique, il semble que les automobilistes préfèrent cette solution rapide et moins protocolaire que d’attendre qu’un agent de police vienne faire un constat, qu’il fasse venir les services de santé et que les assurances soient sollicitées, avec toute la paperasserie et les dépenses en temps et en argent que cela requiert.   

Il faut dire que sous nos cieux, le temps de réaction extrêmement long des forces de l’ordre, les interminables procédures administratives et les contraintes souvent drastiques des assureurs font que les gens préfèrent régler ce genre d’affaires entre eux. Parce que si vous avez un accident et qu’il vous faut attendre plus de deux heures, voir souvent plus, pour voir arriver un agent de police, cela n’est pas très motivant.  Sans compter que vous risquez de vous voir infliger une amende dont vous vous seriez bien passé et qui serait beaucoup plus salée que les quelques billets que vous pouvez glisser en douce à l’éventuel victime. Et surtout, très peu de nos automobilistes sont capables de vous expliquer clairement à quoi servent les assurances. Pour beaucoup, en souscrire une n’est qu’une contrainte à laquelle il faut bien se plier si l’on veut tenir un volant, contrainte dont ils se soucieraient très peu s’ils avaient le choix. D’ailleurs, ils sont bien des millions à conduire sur nos routes sans assurance, le moins soucieux du monde des risques que cela comporte. Il faut aussi dire que, comme un peu partout dans le monde, les assureurs sont perçus en Afrique comme des arnaqueurs, prêts à tout pour vous faire signer leurs papiers, encaisser votre argent, mais difficiles à convaincre de débourser un centime en cas de sinistre.  

Bien que je comprenne bien toutes les motivations de ceux qui préfèrent les arrangements à l’amiable, en cas d’accident de la route, je me suis tout de même demandé, en rentrant chez moi après la scène de ce mardi matin, comment j’aurais réagi si mon fils de huit ans arrivait à la maison et me disait qu’un véhicule l’a renversé sur la route, et que le conducteur lui a donné deux mille francs, vu qu’il semblait ne rien avoir de grave. Comment aurait réagi le chauffeur du « Range Rover », si c’était son fils ? Et vous, si s’était le votre ? Parce que rien ne prouve que ce garçon n’ait vraiment rien eu. Rien ne dit qu’il n’ait pas eu (touchons du bois) une commotion cérébrale qui pourrait s’aggraver avec le temps, ou une blessure interne qu’il ne sentirait pas sur le coup. Dans ce cas là, pensez-vous que le billet de deux mille francs qu’on lui a remis suffirait à couvrir de quelconques frais de santé ? Il serait à peine suffisant pour payer une consultation. Toujours dans l’éventualité non souhaitable que la santé de cet enfant se dégrade suite à cet accident, qui serait responsable ? Ses parents, que la pauvreté contraint à l’envoyer travailler sur la chaussée au lieu d’être en classe ? Le chauffeur inconnu du véhicule que personne ne reverra sûrement jamais dans les parages ?


A mon humble avis, la responsabilité devrait retomber sur les autorités. Car, bien que celles-ci, un peu partout, ne cessent de faire des efforts, certes louables, en faveur de la promotion de la sécurité routière, elles ne mettent pas, selon moi, assez d’accent sur règles qu’elles sont sensées faire appliquer pour la sécurité de tous, et surtout, ne font pas encore assez d’efforts pour, d’une part, inculquer les bonnes habitudes aux piétons, et d’autre part, rendre les conducteurs plus alertes en les sanctionnant systématiquement. Je gagerais ma chemise que si les forces de l’ordre intervenaient le plus rapidement possible à la suite d’un accident de la route, non seulement les piétons et les automobilistes se comporteraient avec plus de prudence, mais cela encouragerait les uns et les autres à leurs faire plus confiance et à veiller à ce que les lois soient appliquées. En attendant que cela arrive, essayons de garder à l’esprit que, sur la chaussée et aux abords de celle-ci, conducteurs et piétons, nous sommes tous responsables les uns des autres et nous confions mutuellement nos vies, alors tachons de les respecter et de les protéger.   





Mais quand même…

Mais quand même, il y a quelques fois où je me demande ce qui leur passe par la tête, aux Êtres humains ! Je parle en particulier de ces étudiants qui manifestaient il y a quelques temps dans les rues de Ndjamena (Tchad) pour protester contre une décision des autorités d’obliger le port du casque pour les usagers des deux-roues. Si j’ai bien compris leurs motivations, les prix de cet accessoire seraient trop élevés. Je me demande juste à combien ils estiment le coût de leur crâne. Manifester contre l’obligation du port du casque, l’unique vraie protection dont peut disposer un motard ! Sérieusement ?! 

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