Protégeons nos enfants envers et contre tout !
Bonjour les Êtres humains !
Tous mes proches me connaissent
généralement comme quelqu’un de peu loquace. C’est vrais que depuis que je suis
enfant, j’ai assez de mal à trop m’exprimer. Ce qui fait que le plus souvent,
je peux donner mon opinion en quelques mots et, plus tard, plusieurs heures
durant, je n’arrête pas de penser à tout ce que j’aurais pu ajouter qui aurait
plus facilement été adopté par mon (mes) interlocuteur (s). C’est exactement ce
qui m’est arrivé dans la nuit de ce jeudi 14 décembre.
Je m’apprêtais à me coucher lorsque
mon téléphone s’est mis à sonner. Je sors de la douche et vais répondre. Je
discute environ cinq minutes avec un ami des mariages auxquels nous devons
assister le samedi suivant, malgré des éclats de voix venant de dehors. A la
fin de la conversation, je perçois beaucoup mieux le bruit qui m’empêchait de bien
entendre la voix en ligne : ce sont des pleurs, vraisemblablement,
d’enfants. J’arrête la musique et tend bien l’oreille. Effectivement, ce sont
les voix des enfants de ma jeune voisine.
Elle vit dans une assez grande
chambre avec son frère et leur mère. Elle a une fillette d’environ sept à huit
ans et un beau petit garçon de dix-huit mois. Ils vivent dans une
précarité assez étrange : ils n’ont même pas de lit mais paient
l’abonnement CANAL + chaque mois. Le frère et la sœur sont très chrétiens mais
la mère est alcoolique. Tout à coup, je me rends compte qu’aux cris et pleurs
des enfants se mêlent ceux d’adultes. Ce qui m’inquiète un peu.
Je sors de ma chambre et me
penche à ma petite terrasse pour voir ce qui se passe. La jeune mère, le quart
de siècle maximum, se rince les bras et les pieds sur le pas de leur porte. Je descends pour demander ce
qui se passe. Leur voisine, une quinquagénaire, et une autre, un peu plus âgée,
tentent de calmer tout le monde depuis les portes de chez elles. L’une
« ma copine, je t’ai déjà de ne pas faire ça la nuit, non ? »,
l’autre, en fang (ma langue maternelle) : « mais Mon Dieu, pourquoi
c’est gens se comportent comme cela ? ». Il faut comprendre que la petite
famille est d’ethnie kota et vient d’arriver dans le quartier. Or, nous les
fangs sommes les plus nombreux et les plus anciens dans ce quartier où je vis
depuis mes cinq ans.
Je vais voir la jeune mère et lui
demande ce qui se passe : « c’est Hester (sa fille) qui
embête ». La mère, assise par terre et en larmes : « pourquoi tu
frappe l’enfant ? Je ne vaux plus que tu frappes cet enfant !
Arrête ! »
Moi : « il ne faut pas
faire pleurer les enfants la nuit, ce n’est pas bien ! Cela ne peut pas
attendre demain ? ». Le grand frère tente en vain de relever leur
maman. Comme je ne reçois, en guise de réponses, que les larmes de la mère et
les sourires étranges de ses enfants, je décide de rentrer chez moi.
« Engo, me dis-je, tu aimes trop te mêler des affaires qui ne te
concernent pas. Vas dormir ». Mais à peine ai-je fermé la porte de ma
chambre que les cris de colère de la jeune maman redoublent de virulence, les
pleurs de la fillette augment et que les bruits des coups de gifle se multiplient.
Je soupire : « Tu ne peux pas ne pas réagir, Engo ».
Je remets donc mon maillot de
basket et retourne les voir. Cette fois, je me rends jusque sur le seuil de
leur porte et me penche un peu dans la chambre pour parler au grand frère qui
se tient devant celle-ci.
« Dis, mon frère, quel est
le problème ? ». Il me répond la même chose que sa sœur : c’est
la fille qui dérange ! Je le supplie presque : « mais il ne faut
pas faire pleurer les enfants la nuit, mon frère ! ». Il n’a pas trop
l’air de vouloir m’écouter, parlant à sa jeune sœur. Alors, je le touche à
l’épaule pour l’obliger à se tourner vers moi : « écoute, ici,
dans ce quartier, ce n’est pas du tout bien de faire pleurer un enfant dans la nuit,
tu me comprends ? » Il me fixe droit
dans les yeux. J’ajoute : « tu sais, il y a des gens dans ce quartier
qui font de mauvaises choses la nuit. Donc, ce n’est vraiment pas bien de faire
ça ». Les deux voisines nous regardent en silence et je me doute que j’ai
parlé un peu plus fort que je ne le voulais. Mais, vu le visage soudainement
sérieux que le jeune homme affiche, je pense que le message est bien passé.
Je m’en retourne chez moi, me
jurant que, quoi qu’il arrive, je ne reviendrai plus. En partant, je l’entends
dire d’une voix calme mais très dure : « Esther, si tu n’arrête pas
de pleurer, moi-même je vais venir et sévèrement te frapper, tu
comprends ? Tais-toi maintenant ! » L’instant d’après, je
n’entends plus que la voix enrouée de la mère « wailer » (toutes mes
excuses pour l’anglicisme : to wail, comme les Wailers de Bob Marley, qui
signifie à peu près chanter ses lamentations, enfin, je crois). Plus de pleurs,
plus de cris.
Lorsque je retourne sous la
douche, je n’entends plus les paroles de la mère que comme de lointains
chuchotements. Le calme est revenu.
Alors, en tant que parent, je
vous demande la permission de vous conseiller ceci : ne faites jamais
pleurer des enfants dans la nuit. Que ce soient les vôtres ou pas. Surtout dans
notre extraordinaire pays qu’est le GABON. Vous prendrez peut-être cela pour de
la superstition, ou de la Passion. Comme vous voudrez. A ce jeune homme,
j’aurais bien voulus dire quelques mots de plus. J’y ai pensé tout le temps que
je me douchais.
J’aurais voulu lui dire
que nous vivons dans un pays ou les gens croient aux sirènes, d'autres
jaillissent d’un tronc d’arbre, héritent du dont naturel de pouvoir faire des
voyages astraux, croient aux génies de la mer, des eaux, de la forêt et même
des animaux, font pousser un bananier jusqu’au régime mûr en une nuit, consommé
au petit matin, découpent des nouveau-nés et les reconstituent pour les bénir,
etc. Croyez-moi, je suis un chrétien catholique très croyant. Je vais rarement
à la messe, mais je lis ma bible très souvent. Je crois fermement en l’existence
de Dieu, en tant que croyant, mais aussi en tant que scientifique. Je suis
persuadé que dans le futur, la science réussira à la démontrer. Et
peu importe ce qu’il est ou aurait été, j’adore Jésus. Je le considère comme un
modèle et un guide, non seulement sur le plan religieux, mais aussi dans la vie
de tous les jours. Mais je ne suis pas un « bobo chrétien » naïf pour
autant : tous ces gens, qui croient en toutes ces choses, ne peuvent pas
tous se tromper. C’est statistiquement impossible, de mon point de vue. C’est
pourquoi je me doute aussi qu’il est probable que des gens puissent jouer avec
les âmes des autres.
J’aurais voulu dire à ce jeune
homme que je ne suis pas le seul à le croire. Je suis convaincu que leur mère
aussi le pense. J’aurai voulu lui dire que, bien que sa mère soit alcoolique,
elle reste une mère et qu’une mère ne veut peut pas exposer ses enfants au
danger. « Donneriez-vous des pierres à vos enfants lorsqu’ils vous
demandent du pain ? » L’expérience m’a montré, tant sur le plan
personnel qu’empirique, que lorsqu’une mère refuse que son enfant fasse quelque
chose, c’est très souvent bénéfique pour lui. J’aurais voulu lui dire que leur
mère ne veut pas exposer ses petits-enfants aux dangers de la nuit. Visibles ou
non. Certains disent que dans la vie, il y a des règles, des principes
universels, que la plupart des peuples appliquent. Le respect des parents en
fait parti. Et aussi le fait qu’il ne faut pas se laisser aller à la violence
durant la nuit. Vérifiez si vous voulez, autour de vous, et vous verrez que
dans toutes les diverses communautés qui vous entourent, les gens suivent très
souvent ces règles, et les enseignent même à leur descendance.
Il y a, d’ailleurs, une autre
règle de vie que j’aurais, si j’y avais pensé sur le coup, voulu lui rappeler.
On n’expose pas la nudité aux regards de tous. Parce que voilà : dans mon
quartier, les gens aiment bien se balader, hommes, torses nus, et femmes à
demi-nues (en pagnes, en sous vêtements) aux vues de tous, sans trop s’en
soucier. Moi-même j’avais oublié cette règle. En effet, il y a encore quelques
mois, je sortais de ma chambre juste en short ou en pantalon, pour me prélasser
à ma mini-terrasse. Puis, j’ai fait la rencontre d’une jeune femme qui me l’a
très durement reproché. Mais le pire ce sont les enfants : tout au long de
la journée, vous pouvez en croiser au moins une bonne dizaine, seulement avec
un caleçon, filles comme garçons, depuis le nourrisson jusqu’à l’âge de raison
(sept ans) et même plus. Ils se baladent
souvent en groupe, mais parfois vous pouvez en croiser un en solo. Et il y en a
toujours un qui est tout nu. Mes jeunes voisins sont les champions pour ça. La
petite Esther et son frère se lavent souvent devant la porte de la maison, sans
aucun vêtement, au bord de la piste (oui, il y des pistes, appelés mapanes, dans notre capitale) qui passe
devant chez moi, et qui est très fréquentée. Sans aller loin, je pense d’abord
aux pédophiles. Car oui, sous nos beaux tropiques aux femmes généreusement
belles, il y en a aussi. Juste cette idée me donne toujours la chair de poule
lorsque je vois ces enfants comme cela.
En résumé, j’aurais voulu dire à
ce jeune homme qu’il a le devoir, en tant que parent, d’éviter d’exposer ses
enfants, contre tout ce qui est imaginable, et même au de-là. Qu’il a le devoir
de protéger ses enfants. C’est un devoir, pas un choix, pas une supposition,
pas un acte volontaire. C’est une obligation ! Mais, bien heureusement
pour moi, parfois, quelques mots ont beaucoup plus d’impact qu’un long
discours…
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