Lettre à André



Bonjour grand frère !



   Je n’ai, certes, jamais eu l’occasion de te rencontrer ou même d’échanger avec toi, bien que tu ais eu un influence indéniable sur mon encore bien courte existence. Je me rappelle très bien des premières fois que j’ai entendu parler de toi. Je ne pourrais pas dire exactement en quelque année c’était, mais je me souviens bien que j’étais en plein milieu de mon cursus secondaire. Je me rappelle encore de l’impression que j’eue la première fois que je te vis au journal télévisé. Occupant alors la fonction de ministre de l’éducation nationale, tu annonçais la mise en place du système « Turn Over », ce système qui visait à permettre de désencombrer les salles de classe aux effectifs déjà pléthoriques alors. Je n’ai jamais bien compris en quoi consistait ce système auquel je n’ai jamais été directement confronté, mais je sais qu’ils sont des milliers de ma génération et des suivantes aussi, qui n’oublierons jamais ton nom, rien qu’à cause de système.  Je dois t’avouer que comme la majeure partie de mes concitoyens, j’avais été séduit, dès le début, non seulement par ta grande jeunesse d’alors, mais surtout par ton incroyable charisme. Honnêtement, je m’étais dis en te voyant : « voilà au moins un qui semble vouloir sincèrement le bien de la Nation et l’évolution de celle-ci vers un avenir meilleur que ce que nous avions connu jusqu’à lors. » Comme je ne crois que très peu aux dires des politiciens et préfère m’attacher aux actes qu’ils posent, j’ai encore plus eu confiance en ton engagement pour la Nation lorsque j’appris que tu étais propriétaire, entre autres, des chaines de radio « Nostalgie Gabon », et de télévision TV+, qui deviendra, au fil des ans, une des médias les plus suivis et les plus influents du pays. Pour moi, tu avais eu le parcours rêvé de celui qui veut se positionner comme un grand leader dans son pays : brillantes études, carrière professionnelle influente à des postes de hautes responsabilités dans la machine étatique et enfin, une certaine aisance sociale acquise aux prix de ses propres efforts. La seule chose qui ne me fit pas très plaisir, ce fut ton appartenance au parti au pouvoir.

   Je te revois encore à la télévision, quelques années plus tard, cette fois en temps que ministre de l’intérieur et porte-parole du gouvernement. Tu annonçais alors les résultats de l’élection présidentielle qui donnait le grand opposant d’alors, Pierre MANBOUNDOU, perdant devant le PDG du père BONGO. Dès lors, les critiques négatives envers toi non plus cessées, de ceux qui t’accusaient de traitrise envers le peuple Fang, dont tu étais issu, à ceux qui te soupçonnaient d’avoir voulu vendre l’île de Mbanié à la Guinée Equatoriale. Je me suis toujours demandé ce que les gens attendaient, concrètement, de quelqu’un qui se considérait comme un des « fils » d’Omar.


   Mais ce sont tes agissements depuis le mois de mai 2009 qui me firent réellement découvrir la dimension que tu avais dans le cœur des Gabonais. Je me rappelle encore des cris de liesse qui suivirent les larmes, peu de temps après le décès du patriarche Omar. « Tu n’as pas entendu l’appel de Barcelone ? » disait-on alors, en parlant de ce discours dans lequel tu te déclarais candidat à la succession de ton « père spirituel.» Je te l’avoue, je n’ai pas vue d’un bon œil cette annonce. Comme je l’ai dis plus haut, je ne me fis qu’aux actes, et pour moi, quelqu’un qui est capable de retourner sa veste, de renier les idéaux qu’il a défendu pendant des années, n’est pas quelque en qui je peux confier mon entière confiance pour gérer ma vie et celle de mes parents, de mes enfants, de mes cousins, de mes amis, de mes voisins, bref, de la Nation. Mais l’heure n’est pas encore venue de faire ton éventuel procès. Chacun a le droit de choisir son penchant politique, et d’en changer quand bon lui semble.

   Bien que le projet que tu semblais nourrir pour le pays ne soit pas arrivé à terme, il y a une chose que j’ai pu en tirer : c’est ce que désire vraiment le Gabonais. Je parle du Gabonais qui vit à Atsibe Ntsoss, lalala ou Akébé, ou encore dans les coins les plus reculés du pays, celui -là qui  est contraint de vivre au jour le jour, parce que, n’ayant pas eu droit à une formation adéquate, il ne peut exercer qu’un métier qui ne lui rapporte même pas de quoi pouvoir épargner à la fin du mois, le Gabonais qui se demande pourquoi ses enfants ne vont pas à l’école pendant au moins un mois, chaque année, qui se demande pourquoi les crimes rituels restent impunis, ou encore pourquoi il y a pénurie de carburant dans un pays dit pétrolier…  J’ai finis par comprendre, en voyant toute la ferveur que tu avais suscité autour de ta personne, que ce dont ce Gabonais là a vraiment besoin, c’est d’un leader, un vrai ! Une personne qui sache, non seulement comprendre ses attentes, mais qui sache se les imprégner et les porter au plus profond de lui, et surtout, le Gabonais a besoin de quelqu’un qui puisse dire un jour : « ça suffit comme ça ! », et qui agisse en conséquence, quoi qu’il advienne.

   Quand j’appris, il y a quelques années, ton état de santé qui se dégradait au fil du temps, je fis semblant de réfléchir comme si nous étions dans un monde idéal : « Bon, le temps  qu’il se rétablisse et qu’il se prépare pour remonter un vrai parti d’opposition avec ses compagnons, d’ici 2016, ce sera un peu juste », me dis-je. Bien évidement, il m’importait peu de savoir si vous alliez gagner cette échéance électorale, et il n’est pas sûr que je vous aurais accordé ma voix, ni à vous, ni à vos adversaires, mais je voulais, pour une fois, assister à un semblant de confrontation d’idées dans l’arène politique gabonaise. Après ta disparition du territoire national, suite à tes problèmes de santé, je me suis dis qu’en ce qui te concernait, il n’y avait plus, politiquement, rien de concret à attendre, au moins, à court terme. Je me suis donc, naturellement désintéressé de ce qui pouvait te concerner.

   Ce Dimanche 12 Avril 2015, en entendant une journaliste de la chaine nationale gabonaise annoncé, en ouverture du journal de 20h, que tu étais décédé le matin à Yaoundé (Cameroun), je me suis senti confondu entre deux sentiments. D’une part, je me suis senti assez mélancolique. C’était cette sorte de pincement au cœur que j’avais ressenti quelques années plus tôt, à l’annonce du décès d’Omar Bongo, ou quelques semaines après, quand le monde entier apprenait la mort de Michael Jackson, ou encore il ya un a, lors du décès de Nelson Mandela, tu sais, cette étrange sensation qu’on a quand on apprend le décès de quelqu’un qui ne nous a jamais été proche, mais qui, du manière ou d’une autre, a eu une place importante dans notre vie, directement ou pas. L’autre sentiment qui m’a envahi ce soir là, devant le poste de téléviseur, c’était la colère. De la colère, oui, et pour une raison assez valable : ton décès, annoncé comme un fait divers, en deux phrases sur lesquelles personne ne reviendra d’ailleurs au cours de l’édition du journal. Quelles sont donc ces façons d’agir ? Même dans les régimes les plus totalitaires, on a une once de respect pour les opposants politiques… Et cette colère n’a fait que croitre avec les folies qui ont suivies le rapatriement de ta dépouille à Libreville. Empêcher qu’un mort puisse être transférer sur sa terre natale pour être inhumer ! Pourquoi ? Dans quel but ? Seuls les instigateurs de ces actes en connaissent les motivations.

   Toutefois, je me demande bien où va notre pays ? Parce que je m’étonne que, dans un pays où les traditions et les coutumes ont encre une place notable, on n’ait plus aucun respect pour les morts. Qu’on fasse d’un cadavre humain l’objet de calculs et d’affrontements ethno-politico-mystiques ? Est-ce vraiment la voie que nous devons suivre ? Est-ce vraiment ce que veut inculquer le pouvoir en place à nos enfants ? Est-ce vraiment le changement que prône tant l’union de l’opposition ? Opposition qui, soit dit en passant, semble tout-à-coup avoir tourné le dos à ceux qui sont toujours vivants et dont le sort n’a pas changé depuis ton départ pour l’au-delà… Je me demande, enfin, que deviendra cette vacillante lueur que tu as eu à allumer dans les cœurs de certains. Va-t-elle s’éteindre comme ton souffle vient de se tarir ? L’avenir seul nous le dira. En attenant de voir cela, je terminerai avec ces deux phrases : la première, pour ceux qui, pour  certains, on déjà commencer à danser sur ta tombe, et pour les autres qui sortent leurs tambours pour le faire. A ceux-là, je rappellerais juste ces mots de Birago DIOP, connus de tous : « les morts ne sont pas morts… » La seconde phrase, que je t’adresse, n’est que la simple formule consacrée pour la circonstance : repose en paix, André ! 

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